jeudi 19 novembre 2009

3ième message - Inde touristique

Delhi, 17 octobre 2009.

Bonjour les amis!

Delhi, fin de parcours. Delhi où il est écrit que les pigeons de la ville ne dormiront pas cette nuit. C’est l’état de guerre depuis cet après-midi. Je suis dans ma chambre à peine à l’abri des bruits et du tumulte, des détonations et des pétarades. Tantôt nous étions à souper devant notre nouvel hôtel quand tout a débuté pour de bon, consternation. Il faut mentionner que suite à des malentendus dans nos réservations avec l’hôtel auquel j’ai voué une fidélité presque sans borne depuis mon premier séjour en Inde il y a plus de 20 ans, je parle de l’hôtel Anoop, j’ai mis fin à ce lien historique. Vous aurez fait de même si, après avoir pris la peine de faire une réservation claire, on vous avait gardé la pire des chambres à votre arrivée, tard en soirée, après une journée de voyage très éprouvante; et ce à 2 reprises à l’intérieur de 2 semaines. Le chic hôtel « Cottage Yes Please » est devenu, et sera désormais, mon pied à terre à Delhi. Un peu plus cher bien entendu, mais quel pas vers le confort! De grandes chambres aux sols de marbre blanc, literie impeccable de blancheur qui flaire bon le séchage au soleil, eau chaude toute la journée, savon et papier hygiénique dans la salle de bain, ait climatisée et ventilateur au plafond. Voilà quand on délit les cordons de la bourse et que l’on n’hésite pas à déposer presque 20,00 dollars canadiens par jour sur le comptoir de la réception.

Si ce n’était de cette guerre qui se déroule sous ma fenêtre ce soir je dirais que ce nouvel endroit est un havre de paix. Un pigeon a pris logis sur le rebord de ma fenêtre de salle de bain la nuit dernière, il y est resté jusqu’au petit matin à roucouler doucement pour accompagner mon sommeil. Ce soir il n’arrive pas à rester sur sa petite corniche, les fortes détonations répétitives le chassent à tout moment. Non, il est bien écrit que les pigeons ne dormiront pas cette nuit dans aucune grande ville de l’Inde. C’est le siège, et la raison en est simple, le Diwali, la grande fête de la lumière. Fête qui symbolise la victoire de la lumière sur les ténèbres, la victoire de la connaissance sur l’ignorance. L’équivalent de notre premier de l’an chez-nous, mais dans une version un peu plus philosophique et symbolique.

Il est dommage toutefois que la tradition d’allumer plusieurs petites chandelles au seuil de sa porte et sur le rebord des fenêtres des maisons ait été remplacée par des feux d’artifices, des bombes et des pétards de toutes sortes. Et que la paix de cette fête, la plus importante de l’Inde, se soit vue supplantée par un bruit infernal qui durera encore toute la nuit. Ma chambre donne sur une rue commerçante, toujours dans le cartier de Pahargang, une rue un peu en retrait du célèbre « main market ». Je ne fais pas seulement qu’entendre toutes ces détonations, je les vois par les « flashes » lumineux des pétards qui détonnent comme des bombes, tout juste au niveau de ma fenêtre. Je vous le redis, c’est la guerre. Il n’y aura donc pas seulement les volatiles qui auront leur sommeil troublé cette nuit. Heureusement c’est ma dernière nuit en Inde. Demain, après avoir fait la visite du musée d’art moderne de la ville, nous reviendrons ici pour préparer les bagages, c’est déjà le retour au bercail.

Si mes premières semaines se sont passées sur un mode très personnalisé, à revoir la famille de Chaina Ram, à aller passer quelques jours de grande paix chez les Pala dans cet oasis qu’elle le lac Dal et enfin à revoir ces adorables petits enfants tibétains qui deviennent avec les années un lien de plus en plus significatif, c’est maintenant la fibre touristique en moi qui reprend du service. Il y a des endroits dans ce pays qui sont peut-être moins accessibles tout simplement parce qu’ils ne sont pas dans un axe avec quelques autres destinations connues et incontournables. Endroits qui sont aussi des étapes obligatoires dans ces pays aux mille richesses, aux toujours impressionnantes splendeurs.

C’est ainsi que l’an passé nous avions cru possible d’ajouter les grottes d’Ajanta et Ellorâ sur notre trajet du sud de l’Inde. Aurangabad, ville située à plusieurs kilomètres à l’Est de Mumbaï, ce qui se calcule par de nombreuses heures de bus souvent inconfortable, avait alors été rayé de notre programme. Bien à regret puisque depuis longtemps j’entends parler de l’importance de voir ces lieux uniques en Inde, oui, encore d’autres lieux uniques que disait le « Lonely Planet ». Fallait-il y croire? Alors que j’étais encore à Montréal, quelques jours de mon départ pour l’Inde, j’avais reçu 2 appels téléphoniques, l’un de tante Thérèse et l’autre de ma copine Catherine. Toutes 2 avaient vu un reportage au canal Évasion concernant ces grottes situées au cœur du presque continent qu’est l’Inde. Je tiens à les rassurer, c’était bien dans notre itinéraire cette année, et cette fois-ci nous nous y sommes rendus.
















Je l’ai mentionné plus tôt dans mes messages, cette année nous voyageons plus confortablement, donc très souvent en avion. Nous nous envolions donc vers Aurangabad après une nuit dans une chambre de l’hôtel Anoop, chambre qui avait des airs de Beyrouth en déroute. Chambre sans aération située au 4ième étage de l’hôtel avec une seule fenêtre qui donnait sur le corridor. Une salle de bain avec toilette turque, ou à pédales pour ceux qui connaissent le terme sans l’associer à rien d’autre. Un ventilateur au plafond qui n’avait qu’une seule vitesse, rapide, et qu’il fallait bien endurer avec la chaleur suffocante de cette chambre fermée et sans climatisation. Et pour clore la description de ma geôle d’un soir, il faut ajouter que la peinture des murs et du plafond se désagrégeait à vue d’œil, des lambeaux de plâtre et de peinture tombaient sur le lit. Insalubre quoi. Nous étions arrivés tard le soir et repartions tôt le matin dans un taxi inconfortable qui a su brûler plus de feux rouges en un trajet de 20 kilomètres que moi dans toute une vie. Si on lui avait retiré des points « démérite » on lui aurait enlevé son permis de conduire pour ses 5 prochaines vies et il aurait pris le chemin de la prison à moins de 2 coins de rue de notre départ.

Le jour n’était pas encore levé. Notre vol intérieur pour Aurangabad partait à 6:00 du matin et allait durer un peu plus de 2 heures. Aurangabad, ville moyenne de l’Inde, n’a absolument rien d’attrayant. Si ce n’était de ces sites archéologiques très fréquentés que sont Ajanta et Ellorâ, Aurangabad serait totalement ignoré des touristes. Quelques hôtels de grand luxe sont cachés bien à l’abri des laideurs de la ville. Le nôtre est situé dans un cartier de gens plutôt à l’aise à en juger par les façades de certaines maisons, par les arrangements floraux des pelouses et des jardins. Nous sommes à quelques minutes d’une rue commerçante où il est facile de trouver les services de restauration, d’ATM et d’Internet. Pour la restauration nous allions être choyés, un restaurant recommandé par le « Guide du routard » a vite eu notre préférence et c’est là, et seulement là, que nous irons tous les soirs.

Personnel charmant, le propriétaire nous accueille avec un large sourire et profite de notre passage pour peaufiner son français. Les serveurs aux uniformes passés de mode, tout aussi classiques qu’empesés, s’activent à porter des plats à vous faire saliver. Ici presque tout ce qui est sur le menu passe par le four tandoori, immense récipient de terre cuite bien isolée, dans lequel des braises servent à cuire doucement le pain nan bien connu, mais aussi les pièces de viande, souvent du poulet ici, enduites de sauces succulentes et toutes aussi délicieuses pour le palais.





















Notre serveur préféré est un homme d’âge moyen à la tête de mafioso, forte mâchoire de macho barbe rude et forte, dents blanches qui contrastent avec le teint foncé du sud du pays, regard franc, direct et intimidant, chevelure abondamment enduite d’huile. Il suffit pourtant de s’apprivoiser juste un peu pour voir qu’il n’a rien du tueur à gages. Son anglais déficient ne le gêne pas pour engager une conversation. Il est curieux et on sent bien qu’il aimerait pouvoir commettre quelques questions indiscrètes pour mieux nous connaître. Fort sympathique en somme, nous l’avons adopté pour ce séjour à Aurangabad.

Notre arrêt, comme tous les prochains arrêts de ce voyage, est plutôt court. Nous en sommes à l’étape touristique de notre voyage comme je le disais. Étape de « découvertes » comme je le mentionnais aussi plus haut. Un tour organisé, et recommandé chaudement pas notre guide papier, aura la préférence sur la recherche d’un chauffeur à la dent longue avec qui il faudrait tout négocier, et presqu’assurément se faire flouer de plusieurs roupies. Le premier site à voir est situé non loin de la ville. Ellorâ, ces sont des grottes construites par les chefs politiques du 9ième et 10ième siècle puis remises par ces derniers à des moines pour qu’ils puissent y méditer et prier. Des grottes ont ainsi été remises à des moines bouddhistes, hindous er jaïns. Ce qui impressionne grandement ici c’est que ces grottes ont été sculptées dans un roc excessivement dur et ce à même la falaise. En tout 34 grottes bien numérotées et qu’il est facile de visiter en moins de 2 heures puisque notre guide indien nous amène aux plus importantes tout en nous donnant l’historique de chacune d’elles.





















La première grotte dans laquelle nous nous sommes trouvés allait tout de suite donner le ton. Façade finement sculptée de statues du Bouddha, nous passons la porte d’entrée pour arriver dans une grande salle au plafond élevé, sculpté de rainures transversales comme si on avait renversé une embarcation dans son plafond. Temple à l’intérieur duquel se trouve un autre temple, appelé ici le sanctum. Devant ce dernier, une sculpture gigantesque d’un Bouddha en méditation prend place. Notre guide nous donne même un aperçu de l’acoustique de l’endroit en chantant un doux mantra, le son se réverbère, prend de l’ampleur et de la rondeur dans cette salle aux murs de pierre marqués par les coups de ciseau des artisans qui y ont travaillés il y a plus de mille ans. Nous ne pouvions alors qu’imaginer à quel point, dans un endroit pareil, un chœur de moines en prières aurait pu élever nos âmes par leur communion mystique entonnées à la faveur des forces supérieures.

















Certaines grottes ont même été creusées pour donner 3 niveaux où les moines avaient leurs cellules pour la prière et la méditation. À tous les niveaux de ces monastères, les sculptures de Bouddha sont omniprésentes.
































La construction la plus impressionnante est un temple hindou d’une superficie incroyable qui a été construit en creusant de haut en bas tout en prenant soin de laisser ce qu’il faut de rocher pour sculpter les parties qui allaient constituées le temple final. L’œuvre est considérable et quasi démentielle pour l’architecte qui avait à y travailler. Le résultat est des plus réussi. Un raffinement artistique, tant les proportions du temple que le travail sculpté sur toutes les surfaces de ses murs est à jeter par terre.

Ce tour nous amènent aussi à divers endroits touristiques destinés beaucoup plus aux indiens qui forment habituellement la majorité de ces groupes. Des visites plus ou moins intéressantes du fait qu’elles ne nous mènent pas à des sites archéologiques très anciens comme c’était le cas pour les grottes d’Ellorâ. Vers la fin de ce tour, pour vous donner un exemple, nous nous arrêtions dans des temples hindous qui n’avaient rien d’historiques, mais étaient plutôt des endroits de culte actif où le pèlerin venait accumuler des sortes de « Air Miles » pour sa prochaine vie, ou encore avait un crédit sur un éventuel mauvais karma, une remise de péchés en somme, seulement du fait de s’être présenté devant la déité de l’endroit. Dans l’un de ceux-ci il fallait que les hommes se présentent le torse nu devant le lingam de Shiva. J’ai passé l’âge de faire l’effeuilleur pour obtenir ce que je veux, alors je suis tout simplement resté en dehors du temple à attendre ceux des indiens qui avaient fait ce « strip tease » partiel pour répondre aux règles de la place. Tant pis si je ne gagne les mérites associés à cette visite, je n’ai quand même pas tant de péchés à me faire pardonner par les dieux de l’Inde. Ces visites n’avaient donc que très peu d’intérêts et le touriste que je suis serait vite revenu à son hôtel après avoir vu les grottes d’Ellorâ qui l’avaient tant impressionné.

Il fallait faire bon usage de ce peu de temps alloué à la visite d’Aurangabad et dès le lendemain nous repartions vers ces autres grottes que sont les grottes d’Ajanta. Toujours dans un vieux bus indien qui crachait le mazout et contribuait agressivement à aggraver l’effet de serre de notre fragile planète. Nous étions une dizaine de personnes, un groupe encore une fois majoritairement constitué d’indiens visitant leur pays. Cette fois-ci une seule destination, les grottes d’Ajanta situées à plus de 100 kilomètres d’Aurangabad.

La route pour s’y rendre est une route de campagne, on y voit les paysans travailler aux champs. Ils y sont dès l’aurore et ne quitteront leur lieu de travail seulement qu’à la tombée du jour. Des femmes, des hommes qui, à ce temps-ci de l’année, récoltent le riz. Aujourd’hui le temps est plutôt gris et les nuages semblent annoncer une pluie. Il est donc impératif de terminer tous les travaux du jour pour mettre le riz à l’abri des intempéries. Les femmes sont dans les rizières et coupent les gerbes de riz, elles les amassent en bottes pour que les hommes les amènent ensuite au milieu du champ où un autre groupe d’hommes battra les épis pour en extraire le grain. D’autres femmes nettoient les résidus de paille et de terre avant de mettre la céréale dans de lourds sacs de jute. Un charriot tiré par un bœuf est là qui attend la fin des opérations pour ramener le fruit de la récolte de la journée qui sera mis bien à l’abri de l’humidité et des petits rongeurs de toutes sortes.

Les grottes d’Ajanta sont reconnues pour les peintures qu’elles renferment. Là aussi ce sont les puissants de l’époque, nous parlons ici du 2ième jusqu’au 6ième siècle, qui ont fait réaliser les travaux pour creuser le roc dans des falaises de pierre noire assez solides pour que l’œuvre soit immortalisée à jamais. Après avoir monté une trentaine de marches, le site s’ouvre majestueusement à nos yeux.



















En 1819, la découverte accidentelle de ce site par un anglais qui était à la chasse et a remarqué des falaises embourbées de végétations tropicales auxquels il croyait percevoir des travaux de sculpture, a mené à une des découvertes archéologiques des plus étonnantes. Les peintures bien préservées étaient d’une incroyable qualité artistique. Ici, comme à Ellorâ, les grottes avaient été construites en premier lieu pour les bouddhistes, ensuite les hindous et enfin les jaïns. Au nombre de 28 au total; nous pouvons, en les visitant, suivre l’évolution et le raffinement autant des sculptures que des œuvres peintes sur les murs intérieurs des temples que sont ces grottes.

Je n’arriverais jamais à vous décrire tout le contenu des scènes peintes dans ces grottes tant les artistes ont dépeint autant les scènes religieuses que les scènes de la vie de tous les jours. Je résumerais en disant que c’est tout simplement un festin pour les yeux et que je suis sorti de cette visite avec un torticolis carabiné tant toutes les surfaces de ces grottes regorgent de raffinement artistique. Le travail de restauration est magistral et il y a encore beaucoup à faire pour mettre en lumière toutes ces scènes peintes dans l’ensemble des temples de la place. Il faudra y revenir pour constater la presqu’impossible tâche à accomplir ici.














































Toutes les grottes suivantes formaient de l’extérieur un immense fer à cheval au-dessus d’une vallée luxuriante de végétation, dominant une rivière maintenant presque à sec, la Waghore. C’était le spectacle qu’avaient sous les yeux les moines qui vouaient leurs vies à la méditation et à la prière, bien loin des tentations du monde, dans une existence simple et dépouillée de tout désir. Enfin, ils y travaillaient à supprimer leurs désirs, pour le reste l’histoire est muette sur le sujet. Ce sont eux qui ont peints ces murs, le cœur et l’esprit orientés dans une spiritualité profonde.

Chacune de ces grottes avait sa beauté unique qu’il serait trop long à décrire dans ce texte. Toutefois la toute dernière avait quelque chose de bien particulier, elle était réservée à une représentation du Bouddha couché, se préparant pour son entrée au nirvana, la mort du Bouddha en somme.



















































Sur une longueur de peut-être 30 pieds gisait une sculpture sur le côté gauche du temple, elle représentait un Bouddha au sourire paisible. Ses disciples, peints sur les murs, étaient présents tout autour et l’assistaient dans cette phase ultime de sa vie. Ce n’est pas un hasard que cette dernière grotte qui ferme l’hémi cercle soit celle où l’on ait voulu représenter la mort du Bouddha et ainsi compléter le cycle de sa vie. Non, il n’y a rien de laisser au hasard ici, tout y a été conçu dans un plan bien orchestré, structuré. Ce qui en fait un endroit exceptionnel que je me suis plu énormément à enfin découvrir. C’est bien à regret que nous revenions sur nos pas pour conclure cette visite et nous livrer aux vendeurs du temple.

Si les trop nombreux vendeurs n’ont pas accès au site c’est de toute évidence pour ne pas faire fuir le tourisme de ce lieu. Passé l’enceinte du site des dizaines de vendeurs de toutes sortes nous assaillent littéralement pour nous vendre leurs produits. Et bien entendu à des prix exorbitants sachant que le touriste occidental n’a souvent aucune idée des prix du pays et se laisse facilement avoir. Nous sommes, bien entendu, les premiers à être abordés par les plus voraces d’entre eux. Les « good price », les « tell me your price », les « cheap price » fusent de partout. Ils en ont pris d’autres à ce jeu et ne reculent devant rien pour attraper de nouveaux poissons. Ce qu’ils ne savent pas c’est que toute cette agressivité à la vente repousse le touriste plutôt qu’il ne l’attire. Pour ma part, quand ce type de vendeurs se fait trop insistant, je n’hésite plus à utiliser le peu d’hindi que je connaisse et leur sort d’un ton pas du tout sympathique mon « Cello! Cello! » d’usage qui se résume simplement à « Va-t-en! Va-t-en! ». Parfois ça fonctionne, parfois ils s’en amusent et redoublent d’ardeur. Alors il ne reste qu’à les ignorer, ne rien dire pour quelques minutes et qu’ils comprennent que nous ne sommes pas faciles à appâter.

Ce temps alloué aux sites d’Ellorâ et Ajanta est passé bien vite. Après ces 2 dernières journées bien remplies nous volions vers Delhi où après quelques heures d’attente à l’aéroport national nous reprenions un vol vers Vârânasî. Nous avions l’intention d’y rester 3 jours dans notre plan initial, mais le Diwali approchait quand nous avons fait nos réservations de vols en Inde et nous avons dus nous résigner à n’y passer que 2 jours. La recherche d’un « guest house » fut un peu plus ardue que nous le pensions. Nous arrivions en fin d’après-midi alors que les touristes sont déjà installés dans les meilleurs. Nous avons dus nous rabattre sur un des « guest house » situé à l’intérieur de la vieille ville. Pour s’y rendre il fallait prendre, plus qu’à l’accoutumé, des ruelles très étroites où seules les piétons, les vaches et les motocyclettes peuvent circuler dans une coexistence « quasi » pacifique. Il fallait bien regarder où mettre les pieds car ces « sacrées vaches » ne se gênent pas pour laisser leurs déjections un peu partout dans ces ruelles déjà trop encombrées. D’où l’impression d’avoir à passer 2 jours dans une étable à ciel ouvert. Je dis souvent qu’il faut passer au-delà de l’odeur et de la saleté de l’Inde pour savoir l’apprécier, mais je dois avouer que je n’étais pas des plus convaincants à prêcher la parole cette fois-ci. J’en suis même arrivé à me demander si je ne m’étais pas trop exposé à cette ville au cours des années. Est-ce que j’y retournerai? Probablement, car malgré sa puanteur, son désordre, sa saleté et sa perpétuelle cacophonie, l’intense Vârânasî demeure un des points les plus importants à explorer dans la découverte de l’Inde religieuse.

Cette ville est un des lieux les plus importants du pays pour les indiens. C’est là que se font des crémations sur le bord du Gange, cette cérémonie est coûteuse pour l’indien moyen mais ils n’hésitent pas à engager ces frais pour offrir aux défunts la chance de couper court au cycle des réincarnations pour enfin atteindre le nirvana. Nous nous sommes rendus, à travers les dédales des rues qui mènent aux « burning ghats », assister à ces crémations. Parfois on y voit plus de 10 crémations en action. Cette fois-ci 5 ou 6 corps se consumaient sous les yeux de leurs familles et des curieux venus voir le déroulement de cette cérémonie. Il n’a pas fallu plus d’une minute pour qu’un indien, toujours le même que les années passées je crois, vienne m’aborder pour me dire que je n’avais pas le droit d’être là, que je devais me rendre à son bureau parce que j’enfreignais la règle du lieu n’étant pas hindou. Je sais que ceci est un autre « scam », un autre attrape touriste pour lui soutirer de l’argent qui aura pour seule utilité d’enrichir ces gens malhonnêtes qui tournent autour des ghâts à la recherche de la naïveté de certains. Et je réagis toujours avec autant de rage à leur présence, croyez-moi. Je n’ai absolument aucune patience avec eux. Et avant qu’il n’aille plus loin dans son histoire, je me suis mis à l’engueuler vivement, attirant ainsi le regard des gens qui m’entouraient, le traitant de malhonnête et de voleur et lui ordonnant de quitter les lieux sans tarder. J’ai dû être assez convainquant puisqu’il a disparu sans plus insister. Il y a quelques années la même scène s’était produite, il s’était éloigné et m’avais tiré des roches. Pourquoi faut-il que ces cupides imbéciles viennent troubler ce petit moment de grâce, car il y en a souvent qui se produisent à cet endroit?

C’est ainsi qu’un court moment s’est écoulé avant qu’un homme m’aborde pour me raconter ce qu’il était venu faire là. Il venait d’un village situé à une 40aine de kilomètres de Vârânasî pour la crémation de son jeune frère décédé d’un malaise cardiaque. Il m’indiquait sur lequel des bûchers le corps de son frère se consumait. Il était accompagné de 6 ou 7 membres de sa famille pour la cérémonie. Cette conversation est venue remettre de la paix suite à la rencontre initiale. Je le dis souvent, il n’y a pas de curiosité malsaine dans le fait d’aller assister à ces crémations, et très souvent dans le passé je m’y suis retrouvé, comme aujourd’hui, à recueillir dans un atmosphère de paix les confidences des personnes qui sont à faire le deuil d’un être cher.

De Vârânasî nous avions déjà vu les principaux points d’intérêt il y a 4 ans alors que Louise y mettait les pieds pour la première fois. Pour ma part je m’y étais rendu en compagnie de Chaina Ram la première année que je l’avais rencontré, puis retourné encore et encore en sa compagnie les années suivantes puisque les villes sacrées étaient nos lieux touristiques à nous, tout comme ils le sont pour la très grande majorité des indiens qui voyagent en leur pays. Le soir avant notre départ, même si nous avions déjà été témoins de cette cérémonie dans le passé, nous sommes allés assister de nouveau à la cérémonie du « Aarti », célébration de la lumière, qui se passe sur les abords du Gange à la nuit tombante.




































7 brahmanes montent sur des plateformes situées aux abords du fleuve sacré et au son des chants et de la musique offrent la lumière sous plusieurs formes au Gange, fleuve Mère de l’hindouisme. C’est dans un synchronisme parfait des officiants que se déroule cette cérémonie qui dure presque 1 heure. Une foule désordonnée y assiste et à un point précis de cette cérémonie, des offrandes sont faites au fleuve par les participants.






















Une feuille de banian séchée et repliée pour former un récipient flottant est remplie de fleurs, encens, fil de coton, et un lampion situé au milieu de ces offrandes est allumé. Ils placent délicatement ce contenant sur le fleuve. C’est ainsi que des dizaines de petites lumières prendront le large et descendent sur le Gange pour le célébrer l’offrande de la lumière, le « Aarti ».
















Le lendemain matin, nous nous levons tôt, avant la lumière du jour, pour aller voir les pieux hindous qui allaient faire leur puja matinal au bord du Gange. Force nous est de constater que de plus en plus, ce qui devrait être un moment paisible, en communion avec les dévots, se transforme en une sorte de foire où le tourisme autant occidental qu’indien se rue dans des embarcations menées par des rameurs plus ou moins vaillants. Tout le monde veut saisir la photo qui sera celle-là même qui rivalisera avec celle qui se trouve dans les livres qui illustrent si bien ce rite matinal des pieux pèlerins en visite à Vârânasî. Ce qui donne droit à des scènes disgracieuses où ces petits bateaux s’entrechoquent pour se trouver aux premières loges aux abords du fleuve, près des pèlerins prenant contact avec le fleuve. Notre rameur n’était pas des plus vaillants, nous l’avons vite constaté et n’avons pas insisté. Nous ne voulions pas participer à la ruée touristique plus qu’il ne le fallait.

















Cette année le fleuve est plus haut qu’il ne l’est habituellement, les moussons ont été longues, fortes et tardives. Les rameurs peinent à remonter le courant recherchant les contre courants sur le bord du fleuve, raison de tout ce cafouillage de petits bateaux qui vient déranger les pieux pèlerins éclairés par les premiers rayons de soleil du jour. Rituel qui se répète inlassablement depuis des lunes et des lunes.



































































Nous avons quand même regardé silencieusement ces indiennes et indiens de classe moyenne se plonger littéralement dans les eaux boueuses du fleuve sacré, récitant des prières, offrant des couronnes de chrysanthème jaune et d’autres offrandes au courant qui les a vite fait dériver vers le delta beaucoup plus loin. Et ces autres enduits de savon, qui profitent de l’occasion pour se nettoyer autant l’âme que le corps. Et ce groupe de jeunes moines dirigé par un maître, pratiquant leur yoga matinal.
















Tandis que d’autres étaient déjà, si tôt le matin, à faire la lessive des draps et rideaux d’hôtel séchant sur les rampes ou sur les pierres en retrait des ghâts.

















Toute cette joyeuse et grouillante activité se passait sous les yeux des chiens errants qui, enfin, avaient cessés leurs aboiements nocturnes.
















Nous avions réservé les services de notre rameur pour 2 heures, alors il travaillait « à l’heure » comme on dit, employant son temps beaucoup plus à s’étirer paresseusement qu’à le maximiser en remontant le Gange plus en hauteur et nous faire voir les premiers ghâts en aval du fleuve pour ensuite redescendre en amont et y voir la grande mosquée, forteresse surplombant le paysage. Nous nous sommes rendus à la hauteur de la mosquée après insistance, un bref arrêt devant le Manikarnika ghâts nous a permis de voir que déjà à cet heure du matin on y était à l’œuvre. Des bûchers en étaient à la fin du rituel de crémation. Déjà un cadavre était partiellement immergé dans les eaux du Gange attendant que la famille ait complété les achats de bois et de poudre de santal qui serviront à la crémation de leur mort. Un léger brouillard, ou était-ce les fumées des derniers bûchers, recouvrait la scène paisible alors que seuls quelques personnes occupaient l’endroit qui n’avait pas encore repris l’effervescence que lui connaîtra le jour.

Louise et moi nous sommes d’accord sur un point, peut-être avons-nous trop vu Vârânasî maintenant et le charme initial ne veut plus opérer sur nous. Tout de suite après notre sortie sur le Gange nous quittons cette ville pour une autre, ces déplacements sont le lot du voyageur insatiable.

Prochaine étape: Khajurâho. S’il y a une ville en Inde qui est presque aussi connue qu’Agra, site du Taj Mahal, c’est bien Khajurâho. Plusieurs d’entre vous avez peut-être entendu parler du Kama Sutra, livre sacré tout aussi important que la Bhâgavata Gita, ou le Maha Barata. Et bien voilà, les très célebres temples de Khajurâho sont les seuls temples de l’Inde sur lesquels des scènes sexuelles très explicites ont été gravées sur les murs des temples. Ce qui en fait en soi une destination pour les voyeurs, que nous ne sommes pas, rassurez-vous.

Notre court vol entre Vârânasî et Khajurâho nous laissait presque dans la petite ville qui n’a d’intérêt que la visite de ses temples. On nous avait pisté sur un hôtel de la place, le chauffeur de taxi d’Aurangabad avait probablement un frère, ou un beau-frère, ou quelque autre parent qui lui rendrait des faveurs si il moussait la publicité pour le « Marble Palace Hotel » de Khajurâho. L’endroit avait de grandes chambres très intéressantes, mais il a fallu négocier le prix pour que ça entre dans le budget que je tiens toujours serré quand il est question de chambres d’hôtel. On s’en tirerait donc à moins de 20.00 dollars encore cette fois-ci.

Ce village plus que ville fourmille de vendeurs et bien entendu le harcèlement se fait plutôt fréquent. Nous avons pu constater que notre expérience de ce voyage a payé en quelque sorte puisque nos propres méthodes pour éloigner les vendeurs du temple ont été des plus efficaces. Nous avons vite adopté un restaurant qui nous servait entre autre des pizzas minces et absolument délicieuses, je vous recommande la « 4 fromages ». Au diable les chappattis, le nan, le tandoori, le cari et toutes autres saveurs indiennes. Notre appétit nord-américain commence réellement à refaire surface.

Pour ce qui est des temples de Khajurâho, ils sont regroupés sur 3 secteurs autour de ce village. Il est facile de tout faire à pied. Le groupe le plus important est situé à 5 minutes de notre hôtel, il s’agit du groupe de l’Ouest.






C’est là que le ministère de la culture a investi ses sous et pour cause. On y retrouve 5 temples bien espacés les uns des autres sur un site ou des arbres immenses, des fleurs et des pelouses fournies et vert tendre donnent à l’endroit la fraîcheur nécessaire à cette visite que nous faisons alors que le thermomètre frise le 40 degré Celsius.
J’ai vu bien des temples magnifiques en Inde dans toutes mes années de pèlerinage dans ce pays. Dans ce présent voyage j’avais encore une fois été vivement surpris par cette nouvelle découverte des grottes d’Ajanta et Ellorâ. Maintenant je me demandais, comment pouvais-je avoir délaissé Khajurâho toutes ces années durant? L’œuvre des sculpteurs indiens m’a toujours fasciné, l’Inde est un musée à ciel ouvert, et encore ici j’allais le constater.


Ces temples qui ne prêchent pas par leur démesure dimensionnelle sont un des plus beaux exemples de la patience pour atteindre la perfection. Toutes les sculptures entourant ces temples sont des œuvres d’art uniques en soi, et « dieux » il y en a des centaines autour d’un seul. Ce qu’il y a de très particuliers à Khajurâho c’est que ce sont souvent les femmes qui sont mises à l’honneur dans des gestuels de tous les jours. Les temples, dédiés aux dieux Vishnu, Shiva, Parvati, Surya, regorgent de sculptures délicates dédiées à la sensualité féminine.




Le raffinement apporté à chacune des œuvres est plus que remarquable. La grâce des corps à moitié dénudés, leurs poses sensuelles, leurs regards complices en font des poèmes dédiés à la femme. De petites frises nous renseignent sur les combats et les succès militaires tandis que d’autres présentent des scènes de la vie de tous les jours, la chasse, les travaux de construction, les travaux ménagers ou ceux des champs.


Les frises supérieures sont dédiées au monde spirituel alors que des armées d’apsaras, déesses vaporeuses, voltigent au-dessus des dieux et des humains. Un réel festin pour l’œil que tout ceci. Même la chaleur de cette journée torride ne vient pas altérer le plaisir et toute cette admiration que l’on découvre pour ces artistes qui se sont réunis au 9ième et 10ième siècle de notre aire. Heureusement le climat sec de cette région de l’Inde a contribué à la conservation de ces œuvres d’une impressionnante beauté.










L’une de ces femmes est à s’appliquer du khôl sur les yeux, l’autre se regarde dans un petit miroir alors qu’une autre plus loin relève le pied pour s’enlever une écharde du pied dans un naturel qui ne se retrouve que dans les temples de Khajurâho, et nulle part ailleurs dans ce vaste pays qu’est l’Inde.

Étonnamment les scènes représentant les dieux se juxtaposent aux scènes de la vie de tous les jours comme je le disais. C’est le cas entre autre des représentations du Kama Sutra avec des poses érotiques que je vous mets au défi de pratiquer. Pour certaines d’entres elles on arrive même à me demander si les artistes contorsionnistes du « Cirque du Soleil » seraient habilités à les performer.


On ne se surprend pas d’y trouver aussi des scènes de ménage à 3 ou à 4, ou encore une scène où l’homme avait un cheval pour assouvir ses besoins sexuels.



On prétend que ces temples avaient peut-être pour but d’enseigner l’art de faire l’amour aux jeunes adolescents du temps. J’en conclus que nous sommes devenus bien puritains avec « les siècles des siècles, amen! ». Ce ne sont pas nos curés qui nous auraient remis un livre d’images constituées de ce que l’on trouve ici immortalisé sur ces murs. Avec eux nous avons plutôt eu droit à l’imaginaire représentation de l’enfer et de ses effroyables sévices.

Ici rien ne m’apparaît pourtant choquant tant sur ces murs millénaires l’art pur est prédominante sur les sujets qui y sont représentés. Gandhi n’en aurait pas dit autant quand on l’a amené sur ce site il y a plusieurs années. Je le soupçonne de s’être rangé du côté des puritains de ce siècle puisqu’il aurait souhaité que les représentations érotiques soient retirées des murs des temples. C’est heureux qu’on lui ait tenu tête.

Après cette visite du groupe de l’Ouest nous sommes allés reprendre des forces et surtout nous réhydrater. Nous avions encore le groupe de l’Est sur le programme de notre journée. Lui aussi situé non loin du village pouvait se faire à pied. Si ce groupe est moins important ce n’est pas parce qu’il représente moins l’art de cet époque. Ces temples sont aussi anciens que les premiers. La forme de ceux-ci est similaire, les dieux sur les murs extérieurs sont les mêmes, parfois on y retrouve aussi des scènes érotiques et la réalisation des œuvres est égale au premier site. Ces temples ne sont pas regroupés sur un seul site et il faut marcher un peu plus pour arriver à tous les visiter. Ce qui fait que le tourisme de masse, en autobus climatisé quoi, se contente habituellement du premier groupe avant de reprendre la route vers d’autres horizons. Ils n’ont pas réellement tort de le faire puisque tous les autres temples ne sont que les répétitions des premiers. Cette visite de ce 2ième groupe nous permet tout de même de passer à travers le village initial qu’était Khajurâho, de voir les maisons, la vie de tous les jours et ses habitants avec qui nous avons échangés un brin de conversation.



On se prépare au Diwali qui approche, dans le village on applique de la peinture fraîche aux maisons, tandis que la rivière toute proche est grouillante de monde qui s’affaire à laver le linge et à se laver eux-mêmes.


Tout doit être pur, tout doit être blanc et propre pour cette fête importante. Ce qui se passe ici se passe aussi dans toutes les villes et villages de l’Inde.



Il nous restait encore quelques temples à voir en fin de journée, nous gardions la dernière visite de ces temples plus éloignés pour le lendemain matin. Nous avions suffisamment de temps pour ce faire avant notre vol qui allait nous ramener à Delhi. Le groupe du Sud, le dernier des trois, s’est fait après une négociation de rickshaw. Encore là des temples datant des 9ième et 10ième siècle, peu de nouveau, du déjà vu dans un décor entouré de champs déserts et arides à ce temps-ci de l’année. Seuls les abords immédiats des temples sont recouverts de cette pelouse verte et des arrangements floraux impeccables. Même sujets sculptés sur les murs extérieurs de ces nouveaux temples, autant de raffinement. Mais il faut faire vite, revenir à l’hôtel et nous préparer pour le départ. Au décollage de ce vol un dernier regard en plongé sur l’ensemble des temples que nous survolons pour un instant. En tête une seule chose, y revenir dans un jour prochain.

Revenir à Delhi après cet autre havre de paix qu’a été Khajurâho nous démontre la difficulté que tous les voyageurs ont à apprivoiser cette ville capitale. C’est le retour plus brutal, le choc initial renouvelé dans le chaos perpétuel qui règne ici. La ville, en plus d’être elle-même, se prépare au Diwali, voire un élément chaotique supplémentaire à l’intérieur de ce qui déjà pourrait se qualifier d’insupportable. Ceux qui ont voyagés assez longtemps dans des endroits pareils savent que nous sommes peut-être moins tolérants quand tire la fin du périple tant rêvé initialement. C’est un peu dans cet esprit que nous retrouvons la capitale indienne, mais Louise a su trouver un baume pour ces dernières heures. Nous avons déjà au programme la visite du Musée d’Art Moderne et bien entendu une bonne adresse pour le magasinage de dernière minute. Après une négociation houleuse avec des rickshaws man plutôt enclin à nous amener dans les magasins de leurs amis, ce qui revient à dire à se faire escroquer honteusement, un homme se présente et nous offre de nous amener aux endroits demandés sans même exiger une somme exagérée comme la plupart de ces derniers le font quand ils ont affaire aux touristes. Nous nous rendons hors de la ville, une balade de plus de 30 minutes nous rend au centre d’achats des riches de la ville. On se croirait chez-nous. Sensiblement les mêmes boutiques, les mêmes chaînes de restauration et aussi les mêmes prix. C’est à se demander qui peut venir acheter ici. Pourtant, est-ce pour cause de Diwali?, il y a foule et les achats vont bon train. Il y a donc des classes moyenne ou riche dans les cartiers situés en dehors du centre-ville, nous venons d’en faire la preuve.

Notre sympathique conducteur de rickshaw revient à l’heure demandée et nous laisse devant le Musée d’Art Moderne. Belle découverte, il vient d’être rénové. Les œuvres sont disposées très agréablement dans une large galerie bien éclairée. On y découvre les peintres modernes de l’Inde et leur créativité souvent inspirée de thèmes religieux hindous. D’autres ont subit l’influence de l’extérieur pour y avoir étudié quelques années. Tout ceci offre un mélange harmonieux malgré les contrastes évidents qu’on aurait pu deviner dans ce mélange de genres.

Bientôt le temps du départ. Pour une fois nous ne croulons pas sous des tonnes de bagages pour le chemin du retour. Nous n’aurons pas à débourser des suppléments pour les excédents de poids cette année. Est-ce que par hasard nous deviendrions plus « zen « ? J’entends des sarcasmes ici, nous savons très bien qu’il y a encore beaucoup de route à parcourir avant d’atteindre cette sainte caractéristique. Et je crois que je ne me ferai pas disciple du dépouillement dans cette présente vie. Je l’assume.

Un bruissement d’aile. Une ombre dans la fenêtre qui donne sur la rue. C’est mon petit pigeon qui est revenu. Comment deviner s’il est fatigué de son début de nuit perturbé par tout ce bruit qui le faisait fuir d’un coin à l’autre de la ville? Il s’installe sur la corniche de la fenêtre, jette un dernier regard aux alentours pour s’assurer de sa sécurité, rentre sa tête sous le plumage gris de son aile et s’endort finalement après cette autre guerre diwalienne.

Pour nous il reste de nombreuses heures de vol pour le retour à la maison. Heures qui seront largement occupées à revivre en pensée les moments de bonheur que m’a procuré cette autre route de l’Inde qui est maintenant à mon actif. Je n’en finirai jamais de revenir ici.



Pierre Gamache


dimanche 25 octobre 2009

2ième étape du voyage

Dharamsala, le 7 octobre 2009.

Bonjour les amis!

Le voyage se poursuit dans un climat un peu plus frais que le Rajasthan de notre première semaine. Nous sommes maintenant sur le point de quitter Dharamsala, ville de résidence du Dallai Lama en exil. C’est la fraîcheur ici, tout comme ça l’était il y a 4 jours à Srinagar. L’air des montagnes nous plaît bien après les chaleurs, tout de même sèches, du désert de Thar au Rajasthan.

Je vous laissais alors que nous allions prendre notre train en direction de Delhi. Ajmer est l’endroit idéal pour faire le trajet de cette ville du Rajasthan à Delhi, le Shatabdi Express nous y conduit en plus ou moins 6 heures. Train un peu plus cher que les autres, un repas est servi durant le trajet, nous sommes traités aux petits oignons et aux chappattis. Nous avions calculé large pour ne pas manquer ce train et il nous a fallu attendre plus d’une heure avant le départ. Temps consacré à l’observation du lieu et des gens. Les gares en Inde sont très vivantes. Des centaines, voire des milliers. de personnes y transitent à toutes les heures du jour. Des vendeurs de toutes sortes s’affairent à leurs petits commerces lucratifs. Le son tonitruant des haut-parleurs annone les arrivées et départs très fréquents puisque Ajmer est sur plusieurs routes dans la direction Nord-Sud du pays. Vous savez que la population de l’Inde est à une croissance presque exponentielle, alors il est facile d’imaginer toute cette animation des gares, moyen de transport très populaire et surtout abordable pour la bourse de l’indien moyen.

Et qui dit foule dit aussi source de revenu pour les classes inférieures de métiers, ces petits travaux qui ne demandent aucune d’éducation. C’est ainsi que Rahul, jeune enfant de 10 ans, se promène de plateforme en plateforme de train dans cette gare à la recherche de godasses à cirer. Il porte en bandoulière sa petite boîte en bois usée, une brosse fatiguée mais qu’il sait manier avec beaucoup de rythme et d’énergie, quelques contenants de cire à moitié séchée et une pièce de tissu souple qui servira à terminer le polissage des souliers de ses clients. Rahul m’a tout d’abord abordé par curiosité, il avait déjà remarqué de loin que je portais mes souliers CROC pur plastique, il savait que je ne serais pas un de ses clients. Ce qui l’impressionnait c’était ma stature imposante, et probablement la force qu’il croyait associée à une personne de plus de 220 livres.





Rahul, le petit cireur de souliers de la gare d'Ajmer.
Il n’a pas tardé à orienter le sujet sur ce que je comprenais être la « doubliou, doubliou, doubliou, F-É »… ceci dit avec beaucoup plus de « d » et de « b » que le suggérait ce qu’il voulait me faire comprendre. Les mots s’entrechoquaient nerveusement dans sa bouche. Son anglais primaire, et surtout sa vive excitation à me demander si j’en faisais partie, le faisait s’embourber dans ce mot qui, j’ai fini par le saisir, était la WWWF : la World Wide Wrestling Federation. Le petit Rahul, au regard si vif et à l’esprit encore plus aigüe avait cru reconnaître en moi un de ces lutteurs qu’il admire et qu’il regarde régulièrement à la télévision, celle du « tchaïwalla » du coin puisque chez lui il n’a assurément pas les moyens de se payer ce gadget.

Vous me connaissez, je ne manque aucune occasion de m’amuser. Et ce n’est pas pour me moquer de sa naïveté, et encore moins parce que j’avais le désir de m’identifier à ces mastodontes que je suis entré dans son jeu. Oui, et seulement pour Rahul, j’étais bien l’une de ces brutes qui se donne en spectacle dans les rings. Je lui démontrais, avec des grognements associés, les gestes de force ce que je savais faire dans le feu de l’action pour renverser et venir à bout de mes adversaires. Je voyais l’émerveillement dans ses yeux pétillants de bonheur et son large sourire. D’excitation il dansait et sautillait sur place à chaque simulation de combat que j’accompagnais de ces grognements gutturaux à faire trembler mes opposants autant que les stades. Il me posait question sur question avec son anglais maladroit, et si je n’arrivais pas à comprendre le sens de sa question, il me la reformulait aussitôt autrement. Il voulait tout savoir de ce héros qu’il avait déniché sur la plateforme no. 6 de la gare d’Ajmer. Ainsi il m’a demandé quel était le poids de cette ceinture que l’on remet aux champions, ce à quoi j’ai répondu qu’il ne serait jamais capable de la soulever tant cette large ceinture était lourde. Il croyait à toutes mes fabulations, il y avait longtemps qu’il n’avait eu un passager aussi intéressant avec qui parler. Je lui ai dit de porter attention et de me surveiller à la télévision car on repassait encore les combats qui m’avaient fait couronner champion de ma catégorie en 97 et 99. J’ai ajouté qu’il était facile pour lui de me reconnaître puisque je portais toujours ce chapeau que j’avais, au moment où nous nous parlions, soit mon « Airflow Tilley », alors comment me manquer? Louise s’amusait de voir les réactions de Rahul, mon nouvel ami, et surtout récent admirateur.

Tout à coup, son regard s’est tourné vers un éventuel client et il l’a poursuivi. Il allait se faire les 5 ou 10 roupies pour rétribuer son service. Je le voyais de loin, il s’activait à la tâche et ne me quittait presque pas de l’œil. Louise et moi nous sommes alors entrés dans notre wagon pour échapper au chaos de l’endroit, chaos auquel j’avais pour un instant donné une couleur inattendue et fait rêver un jeune enfant pour qui la vie n’avait rien de très réjouissant dans son quotidien.

Nous ne faisions que passer à Delhi, notre vol vers Srinagar était pour le lendemain. Un autre bref passage au chic Hôtel Anoop, le temps de reprendre un bagage laissé en consigne dans ce Pahargang bruyant, sale, poussiéreux et très étonnant, dans le sens olfactif du terme.

Au moment de notre départ pour Srinagar je n’avais pas encore rejoins mes amis du Cashmire pour leur donner la date de notre arrivée chez-eux. L’Internet ne fonctionnait pas à Pushkar durant les 2 derniers jours où nous y étions, et le message envoyé de Delhi à moins de 12 heures de notre arrivée chez-eux risquait de demeurer lettre morte. Personne ne nous attendait à notre arrivé à l’aéroport de Srinagar, ce qui signifiait que nous serions la surprise du jour pour la famille Pala. Un taxi prépayé nous a conduits au quai des sikharas où vite nous avons négocié le tarif de cette sorte de gondole qui est le moyen de transport vers les nombreux « house boat » du lac, attraction touristique de l’endroit depuis des dizaines d’années.

"House Boat" sur le lac de Dal, Srinagar.

Ce sont les anglais qui les premiers se sont fait construire ces luxueuses maisons flottantes puisqu’il leur était interdit de bâtir quelconque habitation sur la terre ferme. Srinagar était alors un des endroits préférés des occupants britanniques pour échapper à la chaleur étouffante de la capitale du pays. À leurs départs ces larges maisons faites de bois robuste ont été achetées par les riches de la place. D’autres « house boat » ont vus le jour suite à l’invasion du tourisme indien et autre dans cette région du nord de l’Inde qu’est le Cashmire. Ce sont alors des familles cachemiries qui les ont mis à l’eau pour les exploiter. Maintenant ce lac compte plus de 3,000 embarcations cordées les unes à côté des autres tout près du quai principal. Les Pala ont leur « Kingori B.H. » à une quinzaine de minutes de sikhara du quai d’embarquement, dans un endroit paisible où la circulation des différentes embarcations ne gêne pas la paix du lac.

Alors que nous glissions en silence sur le lac tranquille en direction du « Kingori » nous avons été témoins de la surprise, que dire de la presque commotion de notre arrivée. Amin, le plus jeune des Pala, traversait de sa maison vers le « house boat » à notre rencontre, s’excusant déjà de ne pas avoir préparé les lieux pour nous. Nazir, second des garçons de la famille courrait derrière lui pour nous accueillir avec toute la chaleur que nous lui connaissons. Le Kingori était sans dessus dessous, ils étaient à faire le nettoyage de la place pour notre arrivée mais croyaient disposer de quelques jours supplémentaires pour ce faire. En un rien de temps les 2 garçons, après avoir passé l’aspirateur et nettoyer l’ameublement, ont replacé tapis et meubles dans l’ordre que nous connaissions. Nos chambres ont subi le même sort et vite ils ont déposé nos bagages dans nos chambres respectives.


Salle de séjour du "Kingori House Boat".
Harsha, un ami indien depuis presque 15 ans, nous accompagne dans cette partie du voyage. J’avais rencontré Harsha devant ce qui est pour moi le plus beau palais de l’Inde, celui de Mysore. J’en étais alors à ma première vite du sud indien, Harsha était assis sur la pelouse bien rasée faisant face au palais. Il a amorcé la conversation soi disant pour perfectionner son anglais. Il était alors étudiant en informatique et travaillait dans un centre de service Internet. Cette fois-là je l’avais invité à souper dans un restaurant où les bonnes manières étaient de mise sachant que ce jeune homme éduqué ne se sentirait pas intrus dans un tel milieu. Je l’ai revu 3 années plus tard alors que je retournais en Inde, cette fois-ci avec mes amis belges Sandrine et Jean-Luc, Chaina Ram m’accompagnait pour la première fois dans ce qui était pour lui la découverte de ce coin de son pays.

En février dernier, ne sachant comment communiquer un message clair à la famille de Chaina Ram pour leur expliquer mon impossible à me rendre aux funérailles de mon ami, j’avais songé à Harsha et sa grande serviabilité. Je m’étais tourné vers lui pour qu’il téléphone à Shanti Lal et lui dise mon intention de revenir plus tard visiter la famille. Harsha s’était empressé de faire le téléphone et de me retourner des courriels pour me rassurer sur la transmission du message, tout avait été bien compris pour la famille de mon ami décédé quelques jours plus tôt. Alors pour le remercier de toute cette attention qu’il avait porté lors de cet événement, j’avais décidé de faire une partie de ce présent voyage en sa compagnie. Il se faisait un devoir d’être avec nous à Agawa pour la rencontre de la famille, mais il ne pouvait pas se libérer pour l’occasion. Maintenant Harsha enseigne plusieurs matières différentes dans un collège de Delhi où il a amené sa mère et sa sœur de Mysore. Ils vivent dans ce qu’il me décrit être un appartement tellement petit qu’ils sont entassés dans une seule pièce pour vivre et dormir. Imaginez cela dans les pires canicules des mois de juin, juillet et août à Delhi. Qui envierait sont sort?

Harsha avait cumulé 9 jours de congé et c’est à Srinagar que je lui avais conseillé de nous accompagner sachant qu’il ne découvrirait sans doute jamais ce coin du nord de l’Inde si je ne lui en offrais pas l’occasion. De toute évidence la perspective de découvrir Srinagar lui plaisait bien. Il allait prendre l’avion pour la toute première fois, ce qui comportait un élément supplémentaire à son aventure.

Le Kingori H.B. possède 3 chambres à coucher, alors nous étions tous à notre aise et personne ne souffrirait de mes soi-disant (!!!) ronflements. Pour la famille Pala il y avait un petit dépassement à faire parce que Harsha est végétarien, et je pourrais même ajouter qu’il est « compulsivement » végétarien. La compulsion est une caractéristique parfois même un peu agaçante chez cet ami, mais nous sommes arrivés à sourire de ce trait de caractère. Même, je dois l’avouer, je m’en suis un peu moqué à l’occasion. Je suis persuadé que les frères Pala se sont peut-être aussi un peu amusés avec toutes les questions parfois surprenantes que pouvait poser Harsha pour approfondir sa culture kashmiri.

Et, tout strict qu’il peut être dans sa vie, il pratique aussi le yoga matinal. Je me suis d’ailleurs laissé prendre au jeu quand il m’a demandé tôt le premier matin si je voulais l’accompagner dans ses «breathing exercices » de yoga. Moi, quand on me parle de « breathing something » ça va, alors nous nous sommes installés dans sa chambre, je n’ai pas mis trop de temps pour constater qu’il y avait pas mal trop de contorsions qui accompagnaient ces respirations. Je me suis mis à rire de mes gaucheries à tenter de prendre les positions qu’il m’indiquait tout en « respirant », et c’est là que s’est terminé mon cours de yoga matinal. Harsha pouvait bien jouer au contorsionniste sans moi. Louise a été meilleure élève le lendemain, mais je la soupçonne de s’être retenue de rire pour ne pas décevoir son maître d’un jour.

Louise, avec son maître de yoga, dans ses "breathing exercices matinaux".

Si notre première journée s’est passée à faire le farniente sur le « house boat », le programme s’est vite organisé pour les autres jours. Harsha avait hâte de découvrir Srinagar et ses environs. Gulzar, qui avait pris congé de toutes ses responsabilités à l’égard de sa fabrique d’articles de cuir, nous a accompagné dans un tour de ville. Louise voulait aller voir le marchand de pashmina, et c’est là que notre premier arrêt s’est fait. Nous avons poliment refusé l’invitation à prendre le dîner chez-lui. Gulzar l’a plutôt convaincu de nous accompagner pour la découverte du cartier ancien de Srinagar puisqu’il connaissait les détours pour y accéder.


Intérieur d'une des mosquées les plus fréquentées de Srinagar.
Srinagar est une ville à majorité musulmane, nous sommes donc allés voir les mosquées célèbres de la ville. Mosquées très actives puisque dans cette région de l’Inde ils sont très pratiquants. Les plus dévots d’entre eux s’arrêtent 5 fois par jour pour les prières. L’appel des muézins se fait entendre à heures fixes du haut des minarets de tous les points de la ville pour les rappeler à leurs devoirs. Ces arrêts dans les mosquées nous ont données une occasion unique de faire connaissance avec plusieurs kashmiris très sympathiques. Ils nous abordaient souvent par curiosité mais ceci toujours avec une belle chaleur. Peut-être sont-ils contents de voir que certains touristes s’aventurent à Srinagar qui fait l’objet de représailles politiques en raison du désir de cette région de l’Inde d’accéder à leur autonomie, ça vous rappelle quelque chose?

Les rues de cette partie de la ville sont bordées de maisons de bois vieilli presque toutes en ruines, et pourtant toujours habitées, ce qui donne un charme que nous ne pouvons retrouver dans aucune autre région de l’Inde. Les commerces ouverts sur les rues dépourvues de trottoir nous donnent accès à tout ce que les habitants de ce cartier ancien ont besoin. Rien de superflu, nous ne sommes pas ici dans le mode de consommation effréné que nous les nord-américains connaissons peut-être trop bien.

Nous croisons au passage des jeunes filles et jeunes garçons revenant de l’école. Tous portent un costume associé à son institution, plus qu’à son école. On reconnait vite les filles qui adhèrent aux institutions musulmanes puisque qu’elles sont toutes vêtues de blanc et se recouvrent la tête du tchador traditionnel. Pour les autres c’est l’habituelle chemise blanche ou bleue avec une jupe à carreaux de diverses couleurs. Elles nous saluent avec une timidité quasi-empruntée. Si ce n’était de la barrière linguistique nous aurions sans doute droit à de longues conversations animées. Aucun signe religieux particulier chez les garçons qui portent chemises blanches et pantalons gris ou bleu. Ils semblent moins enclins à l’échange, parler avec les touristes c’est probablement plus l’affaire des filles.
Puis ce fut la visite d'un des jardins érigés autour du lac. Nous avions auparavant visité les 2 jardins qui datent de l'aire mogol, maintenant c'est à flanc de montagne que nous allions en découvrir un autre. Beaucoup de fleurs, ce jardin domine le lac, il est bien organisé, tout y est harmonisé. Ce qu'il a de particulier c'est qu'une source y coule depuis longtemps. L'eau qui en sort aurait des propriétés miraculeuses, une sorte d'huile de St-Joseph quoi. Bien des pèlerins y viennent pour y boire cet eau et en profite pour remplir des contenants qu'ils rapportont chez eux par la suite. De ce jardin la vue du lac est impressionnante, une bouffée d'air frais dans un milieu déjà sain, et saint tout à la fois.
Les jardins dominant le lac Dal.
Le deuxième jour était consacré, tôt en après-midi, à une sortie en sikhara, ces embarcations, type gondole, recouvertes d’un toit rigide, entouré de rideaux de coton qui flottent tout autour pour nous protéger de l’ardeur des rayons du soleil. Une journée en sikhara peut être l’occasion de souffrir, le même soir, d’un coup de soleil fort désagréable. Mieux vaut prévenir.
Après-midi en sikhara pour la visite de la mosquée blanche.
Nous nous rendons, cette fois-ci en compagnie d’Amin, à la mosquée blanche. Il est dit qu’un cheveu du Bouddha y est quelque part enchâssé, relique très précieuse. Pour ma part je suis toujours un peu sceptique quand j’entends parler des reliques du Bouddha. S’il devait réellement y avoir un cheveu ou une dent du Bouddha partout où il est dit qu’il y en a, assurément que le Bouddha aurait été beaucoup plus chevelu que moi, et aurait aussi eu plusieurs dents surnuméraires. Mais enfin, je ne conteste rien devant leur croyance en la chose, il est parfois plus sage de se taire. Encore ici la pratique religieuse est remarquable. Dans l’enceinte principale, réservée aux hommes, on y voit de nombreux musulmans en prières, certains semblent très intenses dans cette communication qu’ils ont avec Allah. À mon sens la prière est un fait universel, peu importe qui l’on prie et dans quel endroit on le fait, les mêmes valeurs d’amour prévalent.

Autour de la mosquée, c’est le marché. Rien à voir avec ce que prise le tourisme ici. On y vent des fruits, légumes, articles de travail grossièrement fabriqués, du linge qui ne ferait pas preneur chez-nous tant la mode est à contre courant avec ce que nous connaissons.
Dans un coin du marché on fait frire de larges pâtisseries plates, sorte de crêpes de presque un mètre de diamètre qui se vend en pièces, au poids.
Larges crêpes fabriquées au marché de la ville, le nom de ces crêpes m'échappe.
Les musulmans ne sont pas végétariens alors des marchands de viande s’affairent aussi devant des pièces de moutons ou chèvres. Il n’y a pas de perte puisque même les entrailles des animaux sont suspendues, bien exhibées au-dessus des têtes des marchands. Ce qui fait le délice, paraît-il, ce sont les têtes de ces animaux, présentées de telle façon qu’il ne nous est possible que de reconnaître la langue qui prend place au centre d’un morceau de viande rouge plutôt informe constitué surtout d’os et de ligaments. Selon notre ami Amin nous perdons à ne pas y goûter. Enfin, ce sera peut-être pour la prochaine fois!

Le retour en sikhara se fait de noirceur, nous glissons sur le lac alors qu’un crépuscule orangé se miroite au travers de la végétation marécageuse du lac Dal. La forteresse dominant la ville se dessine dans un ciel presque sans nuage.

Je l’ai dit, nous connaissons cette famille depuis quelques années maintenant. Eux aussi nous connaissent et n’hésitent pas à nous faire entrer dans leur intimité. Louise en sait quelque chose puisqu’elle passe des heures en compagnie des femmes de la famille à bavarder des petites choses de la vie et peut-être même à apprendre des secrets qui ne se divulguent que dans les cuisines, où les hommes ne s’ont pas réellement bienvenus. Louise est à son mieux ici, souvent entourée des jeunes enfants de la famille, puisque les 3 garçons vivent tous dans cette maison avec leurs femmes et enfants. Maison que les propriétaires de la place, les parents Pala, partagent avec eux.

Le dernier soir avant notre départ Gulzar, fils aîné, nous avait organisé une sortie un peu spéciale. Son guru se rendait prier dans un sanctuaire situé bien en retrait de la ville et il nous y amenait. Il fallait qu’il connaisse notre ouverture d’esprit pour ce faire. Nous ne savions pas trop à quoi nous attendre et pour dire vrai, nous ne nous serions jamais imaginer ce qui allait se passer là. Une route empoussiérée et tortueuse passant à travers des plantations de riz et des carrières de briques nous menait dans un village où visiblement nous devions être les tout premiers touristes à poser le pied. Gulzar nous a fait marcher durant une vingtaine de minutes dans un sentier qui menait au sanctuaire en question. Une toute petite structure, abris de plus ou moins 12 pieds par 12 pieds, construite de matériaux rustiques, se trouvait dans un coin de forêt clairsemée. À l’intérieure de celle-ci, recouverte de grands draps verts, se trouvait la tombe du saint homme qui avait été reconnu comme un grand soufi. Le guru que nous allions rencontrer était son disciple, ce qui se dit « follower », dans les termes de Gulzar.

Le guru actuel est lui aussi vénéré, j’irais jusqu’à dire aduler par plusieurs de ses actuels adeptes. Nous ne comprenons absolument rien de ce qu’il dit aux gens qui l’entoure mais son attitude en est une d’écoute. J’apprends par Gulzar qu’il donne des conseils, autant pour la vie de tous les jours, que pour faire grandir la spiritualité en eux. Quand il s’adresse à une personne il parle aussi à tous indirectement pour livrer un message. Un temps de silence et des prières se font entendre, puis c’est le retour au village dans la pleine noirceur, pour seule lumière, des éclairs dans un ciel noir d’encre. Le guru fait des pauses de temps à autre sur le chemin du retour, indique des choses au sol sans que je comprenne ce qui se passe. Quand je demande à Gulzar la signification de ceci il me répond que personne ne sait exactement ce que le guru fait par tout ce gestuel. Il semble que tous lui portent une confiance sans borne, que rien de ce qu’il fasse ne soit questionner. Évidemment nous demeurons quelque peu sceptique devant ce qui pourrait être vu comme un tour de cirque, une manière de manipuler les gens, mais je me tourne sur mes expériences antérieures pour croire en tout cela.

Il y a des êtres sur cette terre qui sont des lumières pour les autres, je crois que ce guru, même si je ne comprends rien à ce qu’il fait, est là pour être leur lumière, leur enseignement, qui porte ses adeptes à s’approcher de la vérité, qui les aide à grandir dans cette présente vie, qui les touche de manière à faire d’eux des personnes de bien qui transmettront les bonnes valeurs et propageront un peu de cette lumière qui l’a atteint lui-même. Gulzar est un homme aux valeurs incroyablement humaines, il est près des gens et des plus respectueux de ses proches, nous en faisons un peu partie, alors ces valeurs qui étaient sans doute déjà en lui ne sont que plus renforcées par cette homme de bien qu’il vénère. Un guru simple qui ne dort jamais sous un toit, qui donne tout ce qu’il possède sur le plan matériel autant que sur le plan de la spiritualité. Un être d’exception.

Nous revenons très tard ce soir-là pour le souper sur le Kingori H.B., le repas toujours parfumé de cannelle et de cardamome, à la mode kashmiri, nous attend dans plusieurs contenants thermos. À chaque fois que nous ouvrons un de ces contenants ce sont les parfums des mets et les exclamations de plaisirs qui accompagnent le geste. Un riz basmati parfumé, deux sortes de légumes savoureux, des pièces de poulets relevées dans les épices que seules ces femmes savent finement doser, parfois du mouton tendre dans une sauce savoureuse, des fruits cuits, pommes ou poires dans une sauce encore chaude qui goûte la cannelle, tous ces plats nous font saliver abondement avant de les voir dans nos assiettes. Les Pala ont le savoir faire pour nous plaire en gastronomie. Des surprises nous attendent sur la table à tous les jours, et c’est satisfaits et bien repus que nous sortons toujours de table.

Comme tous les matins où je me suis retrouvé sur ce « house boat », j’étais debout avant que le soleil se lève. J’aime savourer le calme du matin, voir les premiers bateaux fendre l’eau calme, chargés de racines de nénuphars que les femmes vont cueillir très tôt le matin pour vendre aux propriétaires d’animaux.
Cueilleuses de racines de nénuphars passant devant le Kingori tôt le matin.
Toujours les mêmes femmes, toujours à la même heure, routine quotidienne. Ensuite ce sont les parents qui reconduisent dans leurs petits bateaux des enfants tous fiers et bien coiffés qui se rendent dans leurs tenues impeccables vers leurs écoles.
Enfants se rendant à l'école le matin.
Viennent aussi accoster à notre « house boat » les divers marchands de fleurs et de légumes qui tôt le matin savent reconnaître le touriste et tenter leur chance pour une vente de fleurs ou de semis à rapporter dans leurs pays.
Vendeur de fleurs et de semis abordant le Kingori au petit matin.
Tantôt c’est le dhobiwalla, qui s’approche à son tour pour offrir ses services de lavages du linge. Une embarcation plus imposante se pointe ici jusqu’à 2 fois par jour pour offrir tout ce qui peut être consommé et bu par les touristes que nous sommes. Nous pouvons faire nos provisions d’eau embouteillée, de jus ou de friandises diverses pour les encas de la journée. En fait, nous n’aurions pas à sortir de notre maison flottante si l’envie nous en prenait de le faire.

Dernier matin, autre levée à la barre du jour. Les bagages sont partiellement faits avant le petit déjeuner. Monsieur Pala vient m’offrir un chapeau de sa propre confection, chapeau en laine de mouton qui sera sans doute très apprécié dans nos froides journées de l’hiver. Il a encore la main, il n’a pas perdu la manière de faire même si ce sont maintenant ses garçons qui font la confection et le commerce du cuir. Gulzar arrive avec un « kurta pijama » qu’il m’a fait faire sur mesure le premier jour suite à notre arrivée. Amin m’a déjà offert un chapeau vendu devant la mosquée, ces chapeaux que les musulmans portent pour entrer dans les lieux de prière. J’en fais l’essayage, le tailleur avait vu juste et je suis bien à l’aise dans ce nouveau vêtement. C’est décidé, c’est habillé ainsi que je prends l’avion qui nous mènera vers Jammu. Louise me rassure en me disant que ça ne va très bien, on a toujours un peu une crainte de faire le clown quand on s’éloigne des tenues vestimentaires de tous les jours.

Ensuite nous passons aux quelques photos à prendre avec toute la famille, puis les embrassades bien chaleureuses de tous. Mais surtout ce toujours très paternel baiser sur le front donné par le père Pala qui nous redit, comme à chaque fois que nous y sommes allés, que nous sommes chez-nous chez-lui, que sa maison est aussi la nôtre.
Papa Pala en ma compagnie.
Un sikhara est déjà chargée de nos bagages, on prend place sur les larges coussins et c’est le départ vers l’aéroport. Gulzar nous y amène avec sa petite fourgonnette blanche. Tous les détours pour nous rendent à l’aéroport et la sécurité imposante de la place nous ont quasi fait manquer notre vol. Les bagages n’ont pu être mis dans notre avion et nous avons appris à Jammu qu’il nous fallait les attendre 2 heures, qui se sont avérées être 3, puisqu’un orage entre Srinagar et Jammu avait retardé le vol dans lequel nos bagages avaient été placés. Nous avions d’ailleurs eu un aperçu de cet orage dans notre vol Srinagar – Jammu. J’ai pris bien des vols dans ma vie mais jamais je n’ai ressenti des turbulences comme celles de ce vol. En plus de perdre très rapidement de l’altitude, l’avion battait dangereusement de l’aile, et quand je dis battre de l’aile il ne s’agit pas une figure de style, je vous le jure. Des cris se faisaient entendre et même si je gardais mon sang froid, je dois avouer que je me suis dit que si c’était là les derniers moments de ma vie, il fallait à tout prix que je garde mon calme pour remercier les puissances supérieures de cette très belle vie qui m’avait été accordée. Heureusement ces prières seront à mon crédit pour le futur.

Dharamsala était notre destination du jour, un taxi nous attendait à Jammu, taxi organisé par Amin qui connait Dharamsala parce qu’il y tient un petit commerce de vente d’articles de cuir confectionnés par son frère Gulzar. C’est un taxi confortable et surtout un chauffeur qui n’allait pas risquer nos vies entre Jammu et Dharamsala qui a dû patienter 3 heures avant de nous voir sortir de l’aéroport avec nos bagages enfin récupérés. Nous allions entreprendre une route serpentant en montagne sur plusieurs kilomètres avant de toucher la destination finale. Pas facile pour Louise qui a le mal des transports.

Notre première journée a été consacrée au repos et à la reconnaissance des lieux. Vite nous avons appris que le Dallai Lama ne se trouvait pas ici, qu’il était plutôt à Montréal où sa venue faisait l’événement puisqu’il avait fait place comble au Centre Bell. Nous sommes tout de même allés au monastère où se trouve sa résidence. Endroit idéal pour le recueillement devant la salle de prières où le Dallai Lama prend place quand il n’est pas dans un quelconque coin de la terre à propager son message de compassion. Avant de quitter le lieu nous observons la règle et faisons quelques circonvolutions autour du monastère principal en tournant les moulins à prières sur les murs qui en font le tour.

Le lendemain était une journée très particulière. Il y a 5 ans de cela Louise et moi nous avions fait la visite du T.C.V., le Tibetan Children Village. Nous avions alors débuté le parrainage de 2 jeunes enfants qui venaient tout juste d’arriver illégalement, c’est-à-dire en passant par les cols élevés des montagnes du Tibet vers l’Inde. Certains parents préfèrent cette solution pour leurs enfants qui autrement ne seraient pas élevés dans la tradition tibétaine. Les chinois qui ont occupé le territoire en 1959 ne font rien pour préserver les traditions ancestrales du peuple tibétain, et surtout maintenir ce peuple dans cette tradition religieuse importante qui faisait d’eux des gens pacifiques vivant simplement, toujours tournés vers les valeurs de compassion, de générosité et de respect.

Nos deux petits enfants, un garçon et une fille, ont le même prénom, Pema, ce qui signifie « fleur de lotus », un nom très commun chez les tibétains puisque le Bouddha est toujours représenté assis à l’intérieur d’une fleur de lotus. Ce sont eux qui étaient la raison première de ce détour vers Dharamsala. Nous les avions revus 2 ans après le début du parrainage. Nous les revoyions maintenant 5 ans après ce début de relation de parrain et de marraine.

Le Tibetan Childen Village est situé à 3 ou 4 kilomètres de Macleod Gang, il faut le spécifier, est le réel lieu de résidence du Dallai Lama en exil, Dharamsala est la ville tout en bas de cet enclave bouddhiste qu’est Macleod Gang. Un taxi nous y a menés en milieu d’après-midi alors que les classes prenaient fin. La responsable du programme a vite fait de faire le message pour que nos 2 petits amis viennent dans son bureau. La jeune Pema de Louise est arrivée la première, toute timide comme elle l’a toujours été.
Arrivée de mon petit Pema chez la coordonatrice du programme de parrainage.
Ensuite c’est mon jeune Pema qui est arrivé tout essoufflé d’avoir couru jusqu’au bureau. Un peu de timidité pour lui aussi dans les premières minutes, mais ensuite une communication a prise place. Pema ne parle évidemment pas l’anglais mais il suit des classes d’anglais. J’ai reçu dans le passé de brefs messages où il écrivait de courtes phrases en lettre moulées. Quand je lui pose des questions simples, il est en mesure d’y répondre par des « yes » et des « no » qui sont bien placés aux bons endroits, il saisi bien le propos sans pouvoir répondre, c’est déjà ça. Nous leur avions apporté, dans des sacs d’écolier, des vêtements et des articles scolaires qu’ils ont déballés sous nos yeux avec beaucoup d’intérêt. Les sac-à-dos semblaient un peu trop grands pour eux, mais ils sauront bien faire aussi avec cela.

Nos petits Pema se prêtent bien à l’inévitable séance de photos qui s’en suit. Après nous être entendus avec la jeune tibétaine responsable du programme, nous avisons nos petits amis que nous reviendrons le lendemain pour les voir en classe et aussi visiter leurs maisons. Puis nos petits Pema se dirigent vers leurs classes, ou leur maison avant que nous retournions à notre « guest house ».

La classe du matin commence à 7:00 heure et se termine vers 11:30 heure. Nous sommes au rendez-vous et on nous amène dans ces réseaux d’escaliers qui montent et descendent vers les différents bâtisses où sont les classes. En tout il y a 42 classes dans quelque 7 bâtisses regroupées dans la partie centrale de l’immense terrain du T.C.V. La classe de mon jeune Pema comprend 33 élèves, il mentionne lui-même le nombre en anglais quand je pose la question à son professeur.
Pema dans sa classe au T.C.V., me montrant fièrement son cahier de devoir d'anglais.
C’est un petit déluré. Il me montre son cahier d’anglais où les notes sont généralement bonnes. L’enseignante me dit qu’il lui arrive parfois de ne pas présenter ses devoirs à temps, je ne manquerai pas de le rappeler à l’ordre dans les messages qui suivront mon retour au Québec, parce que je lui écris de courtes lettres de temps en temps dans une année pour maintenir le lien. Dans la classe les bureaux sont un peu entassés les uns sur les autres et celui de Pema se trouve en plein milieu de la classe. On peut deviner une belle complicité entre lui et ses copains de classe.

Cette visite terminée nous allons voir sa maison située à quelques marches de sa classe, puisque tout est en montagne ici. Une femme y est présente, c’est la « maman » de cette maison où une quarantaine de jeunes tibétains d’âges variées, façon de reconstituer une famille, vivent dans 2 dortoirs, l’un destiné aux filles et l’autre aux garçons. Pema m’indique son lit et l’endroit où il range ses choses. Tout est en ordre là-dedans, les couvertures sont toutes bien pliées au bout des lits. L’ordre et la discipline semble être le leitmotiv qui règne dans ces maisons. Il me présente même la mascotte de sa maison, une brebis toute touffue qu'ils entretiennent en attendant le jour du festin...
Pema pose devant la maison oèu on le loge, en compagnie de sa mascotte bien dodue...
Puis Pema retourne à sa classe alors que nous nous dirigeons vers la classe de l’autre Pema.

Dans cette nouvelle classe on s’affaire avec dans grands contenants de plastique de toutes sortes, c’est la leçon de mathématique sur les mesures millimétriques.
Leçon de mathématique, on apprend les mesures métriques ici ce matin.
Ça bouge mais les élèves écoutent attentivement les enseignements de leur professeur. Ils sont plus ou moins distraits par notre présence. Louise s’intéresse à son tour aux devoirs de sa jeune Pema et ensuite nous allons voir sa résidence. Contrairement à mon petit protégé, la petite Pema demeure timide à un point tel que Louise s’en inquiète. Elle lui semblait plus épanouie lors de la deuxième rencontre il y a 3 ans, Louise se demande si derrière cette timidité il n’y aurait pas quelque traumatisme psychologique. C’est vrai qu’en présence des femmes qui s’occupent de sa maison, la petite demeure même plus que timide, elle répond aux questions en parlant tout bas, encore plus qu’elle le faisait dans sa classe quelques minutes auparavant.
Pema photographiée avec la responsable de sa maison (à gauche) et la responsable du programme du parrainage (à droite).
Louise ressort plutôt bouleversée de cette seconde rencontre où elle s’attendait à la voir sa petite Pema plus détendue, plus expressive. Louise compte bien entrer en contact avec la responsable pour tirer un peu de cela au clair. Et c’est très possible de la faire, l’Internet est un moyen de communication que j’ai souvent employé avec les dirigeants de cet organisme. Les réponses viennent toujours très rapidement, il y a beaucoup de professionnalisme chez eux.

Comme nous nous dirigions vers la sortie du T.C.V. nous remarquons une classe d’éducation physique sur l’emplacement destiné aux sports. Belle surprise, c’est mon petit protégé qui est à l’œuvre. Je saisis ma caméra pour le prendre en action. Il ne cesse de courir et de bouger, dans l’espace d’une trentaine de minutes je l’ai vu successivement jouer au soccer, au basketball et au très populaire cricket. Je réalise, à le voir dans son élément, à quel point il semble bien dans sa peau et entouré d’un solide réseau d’amis.
Pema dans la cour de l'école pour sa leçon de gymnastique.
Si Louise a des craintes pour sa Pema, je n’en ai aucun pour le mien, je constate que c’est un enfant heureux. Il s’est parfaitement adapté à sa vie de réfugié dans cette terre d’accueil où il saura sans doute se débrouiller plus facilement que s’il était resté au Tibet occupé.

Comme à notre première visite du T.C.V. nous revenons à pied à travers une route qui passe à travers une forêt de grands pins. Cette fois-ci nous empruntons celle qui passe par une petite église de pierres, église probablement anglicane, entourée d’un cimetière qui fait foi de la présence des anglais en Inde. De vieilles pierres tombales brisées par le temps jonchent ce cimetière tout en pentes. Plusieurs épitaphes remontent au 18ième siècle, on y lit des drames, entre autre des morts par épidémie et par tremblement de terre. Il y a toujours beaucoup à apprendre à visiter les cimetières, je le sais parce que j’aime aussi à le faire au Québec de temps à autre.

Demain nous prenons un autre vol, décidément on fait les riches à se promener comme çà, mais avec ce peu de temps pour faire tous ces lieux inscrit à notre programme, c’est assurément la meilleure façon de voyager cette fois-ci. Nous n’aurons pris qu’un seul trajet de train aller-retour vers le Rajasthan en début de voyage, le reste se fait par la voie des airs… j’y prendrai peut-être goût. Nous voilà partis pour un bref trajet d’une heure vers l’aéroport le plus près de Dharamsala. Nous allons passer une courte nuit à Delhi et ensuite un autre vol nous amènera vers Aurangabad, ville située au centre du pays à la hauteur de Mumbaï (Bombay si vous n’êtes pas habitué à la nouvelle nomenclature des villes indiennes). De là nous serons à quelques kilomètres d’une des découvertes de ce présent voyage, les grottes d’Ajanta et d’Ellorâ. Nous ne pouvons toujours rester à l’intérieur des sentiers battus. Je saurai vous en reparler dans quelques jours.